Cyberpunk 2077 est un jeu de rôles d’action publié et édité par la multinationale polonaise CD Projekt Red. Sa sortie a fait couler… beaucoup d’encre, mais ce n’est pas le sujet de cet article.
Dans le jeu, le joueur prend le rôle de V, un (ou une) mercenaire qui se voit placé en conflit avec la plus puissante mégacorporation du monde, Arasaka. Inspiré du jeu de rôles sur table Cyberpunk 2020, publié dans les années 1990, ce jeu est un hommage aux nombreuses œuvres du genre cyberpunk.
Cet article est la première partie d’un dossier multiarticle sur différents aspects de la rhétorique de l’espace de jeu de Cyberpunk 2077.
Cyberpunk 2077, comme son nom l’indique si bien, est un jeu du genre cyberpunk. Popularisé dans les années 1980, le cyberpunk est un sous-genre de la science-fiction qui se présente comme critique de la mondialisation du capitalisme post-industriel et du développement exponentiel des technologies de l’information (Krevel, 2018 : 9).
Une promenade dans l’espace de jeu de Night City révèle ses inspirations : des néons en kanji japonais illuminent les tours à bureau, les images publicitaires sont omniprésentes et les espaces eux-mêmes sont suffocants.
Le jeu utilise plusieurs tactiques pour évoquer les critiques typiques de son genre, mais la plus visible (et envahissante) est sans aucun doute son utilisation d’images publicitaires dans l’espace de jeu. Quand la joueuse se promène dans la ville de Night City, elle est bombardée de messages publicitaires diégétiques (diégétiques signifie « réels dans l’univers fictif du jeu »).
C’est un peu difficile à décrire dans un article à quel point il y en a partout. La signification de l’omniprésence des publicités sera le sujet d’un autre article. Pour l’instant, concentrons-nous sur ce que les publicités du jeu nous disent.
Un peu de théorie.
Umberto Eco parle du « lecteur-modèle ». C’est un concept pour nous aider à décortiquer comment nous comprenons une œuvre ou un média.
Un livre, fondamentalement, c’est un tas d’arbres avec de l’encre. Un livre ne fait aucun sens tant et aussi longtemps qu’une lectrice ne prend pas le temps de lire les mots et les interpréter de la façon que le roman demande. Quand nous lisons un roman, nous acceptons que chaque page soit une continuation de la page d’avant et nous lisons le texte dans l’ordre. Si nous n’acceptons pas cela, nous ne pouvons pas lire le livre. C’est pour ça qu’il faut « collaborer » avec un média. Le concept du lecteur-modèle, c’est l’idée que nous pouvons assumer comment « un bon lecteur » collaborerait avec le média. Ceci nous permet d’interpréter ce que le média « devrait communiquer » au « lecteur-modèle » (Guillemette et Cossette, 2006.)
Collaborons avec Cyberpunk 2077, dans ce cas.
Le fait que les images publicitaires apparaissent dans un jeu vidéo modifie la façon que la joueuse interprète leur message. Dans Cyberpunk 2077, le contexte vidéoludique nous permet de comprendre que nous les publicités sont des images :
Comme les publicités que nous connaissons, les publicités dans Cyberpunk 2077 ont des slogans, vendent des produits avec des noms, portent parfois des avertissements légaux et sont structurées comme des publicités. Les images publicitaires dans le jeu sont des publicités, et ce, même si nous ne connaissons pas les produits qu’elles vendent. L’idée du dictionnaire de Barthes est pertinente ici : puisque les images emploient les signes typiques de cette manifestation médiatique, la joueuse a le contexte nécessaire pour accepter ce saut de signification (Barthes, 1965 : 97-98).
Les publicités dans Cyberpunk 2077 sont des publicités, mais ne sont pas nos publicités. À cause de notre regard extérieur au monde de Cyberpunk 2077, nous interprétons les images publicitaires du jeu un peu à la manière d’une touriste : « Qu’est-ce que ces images m’apprennent sur cet endroit que je visite ? »
Les publicités utilisent la rhétorique visuelle : c’est-à-dire qu’elles utilisent une variété de signes et de messages textuels afin de nous convaincre (Barthes, 1964 : 41-42). Lorsqu’une publicité de parfum montre deux personnes à moitié dénudées sur le point de s’embrasser, l’objectif est que nous, consommatrices, comprenions que « porter ce parfum nous permet de faire des choses explicites avec des gens sexy. » C'est de la rhétorique visuelle: en associant l'image des personnes sexy au parfum, nous sommes portés à nous procurer ledit parfum.
Je vous évite le bonheur de vous expliquer comment Barthes a analysé la rhétorique d’une vieille publicité de pâtes françaises-mais-italiennes. Plutôt, je vous propose de me suivre alors que je décortique la rhétorique visuelle de certaines publicités dans le jeu, afin d’illustrer leurs thèmes. Je commencerai par présenter des exemples de publicités et, par la suite, examiner ce que les thèmes des publicités tentent de communiquer.
Un des thèmes les plus importants, sinon LE plus important, c’est celui du sexe. Dans l’univers de Cyberpunk 2077, comme dans le nôtre, le sexe vend.
Prenons cet exemple :
Nous comprenons instantanément la rhétorique de premier degré de cette image. La boisson alcoolisée Abydos est représentée en plein centre de l'image, encadrée par les jambes d'un homme et deux visages féminins, accoutrés avec des stéréotypes de l'Égypte ancienne. La bouteille bleue entre les jambes fait office de pénis en érection, que les femmes regardent avec admiration. Le produit est représenté comme étant capable d’attirer les femmes, comme un signe de masculinité, et ce, peu importe l’apparence du buveur.
L’essence de la promesse, en elle-même, n’est pas anormale. En fait, il serait presque impossible pour moi de trouver une publicité de bières qui ne promet pas aux hommes que la bière leur permet d’être en compagnie de super modèles. Plutôt, c’est l’intensité des signes, c’est l’aspect grivois, de la publicité Abydos qui nous fait réagir et qui nous en apprend sur cet univers.
Toutes les publicités sont un peu comme ça :
« Mr. Stud » est un produit sexuel, un cyberimplant spécialisé, qui est vendu sur la place publique.
D’autres produits sexuels sont vendus sur la place publique, notamment le « Sasha Devon experience », que nous assumons être un braindance pornographique (les braindances, dans l’univers de Cyberpunk 2077, sont des enregistrements sensoriels qui permettent de vivre toutes les sensations et les émotions de l’actrice).
L’exemple de « Champaradise » est aussi flagrant par son usage d’un signe grivois à des fins promotionnelles.
Le sexe vend, dans l’univers de Cyberpunk 2077. En contraste avec les images publicitaires à laquelle nous sommes normalement exposés, par contre, ces images sont grivoises, dégradantes et très directes. La joueuse, lorsqu’elle est confrontée à ces images publicitaires, en conclut que le monde du jeu est hypersexualisé.
L’utilisation du choc dans la publicité n’a rien de nouveau. Les publicités utilisent fréquemment des images frappantes parce que nos réactions rendent notre interaction avec la marque plus mémorable. Ce concept est aussi utilisé dans les images publicitaires de Cyberpunk 2077. Cette imagerie choquante est générée, justement, par l’usage grivois de signifiants sexuels, comme nous l'avons vu, mais aussi en brisant d’autres tabous.
Dans un exemple pour la marque « Chromanticore », on trouve un personnage d’apparence féminine, doté d’un pénis disproportionné en érection visible à travers son habit serré, qui sirote d’une canette avec une longue paille. Le slogan du produit « MIX IT UP », affiché à gauche est accompagné du texte publicitaire descriptif « 16 flavors you’d love to mix ».
Cette publicité brise plusieurs tabous, tout d’abord, en codant le signe d’une femme trans, puis en l’objectifiant pour vendre de la boisson gazeuse. Le message iconique codé, ici est d’associer le changement de genre et d’organes sexuels à la saveur personnalisable de la marque. Ici, c’est l’objectification de ce que nous considérons comme une minorité sexuelle vulnérable comme étant choquant.
Le choc causé par cette image a aussi eu lieu dans la vraie vie. La publicité a été vivement critiquée par plusieurs pour son utilisation dégradante d’un corps trans.
Un autre exemple d’imagerie choquante prend la forme du gore ou de l’horreur corporelle. Dans le premier exemple, on voit en grands détails une personne s’arracher la peau du visage parce qu’elle « hait sa viande ». Dans l’exemple pour le produit alimentaire, on constate « une explosion de saveur » qui explose la tête du modèle, alors que dans la dernière, un bébé avec des mutations génétiques est représenté pour vendre des assurances.
L’idée n’est pas nécessairement que ces choses choqueront toutes les joueuses, mais plutôt que ces représentations sont discordantes avec les normes et les codes de la publicité auxquels nous sommes habituées. Ceci génère une thématique des marques qui exploitent de l’imagerie irrespectueuse ou choquante pour attirer notre attention.
Certaines des images publicitaires diégétiques représentées dans le jeu retirent aux publicités de certains produits les euphémismes auxquels la joueuse est habituée. D’une certaine façon, les publicités dans Cyberpunk 2077 parodient les publicités en montrant « la vraie raison » d’acheter le produit.
Dans cette publicité de BudgetArms, on voit une femme, en tenue de nuit, brandir une arme. Avec l'ombre armée d'un couteau, nous comprenons qu'elle se défend d’un intrus. La publicité est accompagnée du slogan « 2nd Amendment is not only for the rich ». La publicité argumente que la défense de son chez-soi est un droit accessible à toutes et, plus encore, fait cet argument directement. Dans les pays où les armes à feu sont accessibles, comme aux États-Unis, les contenus publicitaires pour la vente d’armes à feu présentent d’autres types d’arguments rhétoriques, comme l’utilisation des armes pour le plaisir, la chasse et en associant le produit avec les forces armées ou la police (Jordan et coll., 2020 : 9-10). Utiliser un argument aussi direct brise les standards habituels et montre, en quelque sorte, la « vraie raison » qui motive l’achat.
Il y a d’autres exemples. Dans une autre publicité pour un produit médical, on aperçoit un homme sur le point de se suicider par balle à cause du stress lié à son travail. Plutôt que de poser la question, « vous sentez-vous stressé au travail ? », comme on s’attendrait, la question de cette image est « es-tu sur le bord de te tirer une balle ? »
Je soulignerais d’autres exemples similaires comme une publicité de la marque Jinguji qui « dénonce » la vanité des riches ou encore l’appel à la masculinité très directe avec une publicité de parfum qui « sent les vrais hommes. »
Les images publicitaires de Cyberpunk 2077 commentent les publicités contemporaines en retirant les métaphores et les euphémismes auxquels nous sommes habituées, ce qui permet aux joueuses de voir une interprétation de leur « réelle » promesse.
Les images publicitaires dans Cyberpunk 2077 sont excessives et extrêmes. La publicité d’Abydos nous semble grivoise, la publicité de Chromanticore est déplacée, la publicité de médicaments est trop directe. Cette interprétation d’être « trop » est aussi causée par l’usage de codes distinctement différents des publicités contemporaines. Nous sommes familiers avec les arguments rhétoriques utilisés dans ces publicités, mais les symboles qu’elles choisissent d’utiliser nous choquent et nous poussent à les interpréter comme étant « trop. »
Les réceptrices, soit les joueuses qui sont exposées à ces publicités, sont invitées à venir à la conclusion que l’univers diégétique de Cyberpunk 2077 est hypersexualisé, n’a plus de place pour les euphémismes et est excessivement choquant. Ce sont des publicités extrêmes et dénudées de toute subtilité qui occupent l’espace de jeu de Cyberpunk 2077.
Ces choix encouragent les joueuses à recevoir l’idée que l’univers de Cyberpunk 2077 existe dans un système capitaliste dont les excès sont palpables. La publicité et ses trucs pour capturer notre attention, pour nous vendre sa marchandise et pour générer chez nous des faux besoins se voient mis à découvert et critiqués.
Dans l’univers de Cyberpunk 2077, le sexe vend. Dans le nôtre aussi. La seule distinction, alors, est que nous sommes gênés de l’admettre et de le montrer. Dans l’univers de Cyberpunk 2077, les publicités cherchent à nous choquer. Dans le nôtre aussi. La seule distinction est donc l'usage d'autres façons de choquer, comme l'horreur corporelle et la fétishisation inappropriée. Dans l’univers de Cyberpunk 2077, les publicités sont employées pour résoudre des problèmes pourtant tabous. Dans le nôtre aussi. La seule différence, c'est que les publicités de Cyberpunk 2077 ne mâchent pas leur mots et vont droit au but.
Ces publicités parodiques ne représentent pas nécessairement une critique profonde du capitalisme. Nous pourrions même dire qu’elles ne critiquent pas assez : où sont les publicités pour les services de prêts d’urgence, les services de location-achat, les prêteurs-sur-gages, ou les casinos, par exemple ? Ce genre de publicités représenteraient des services et des industries qui profitent de la situation financière précaire des habitantes de Night City, après tout. Cyberpunk 2077 arrête sa critique au consumérisme excessif et crasse des produits de tous les jours, et ne produit pas (ou du moins, peu) de d'images publicitaires qui critiquent les systèmes et les institutions qui profitent du malheur des habitantes d’un univers cyberpunk.
Cela étant dit, nous pouvons voir un effort important de parodier, par l’entremise de messages publicitaires dans un espace de jeu, les arguments typiques de la publicité contemporaine. Par l'amplification des signes et la rhétorique visuelle « excessive », les publicités de Cyberpunk 2077 mettent en scène des versions exagérées de la publicité contemporaine
Dans le prochain article de cette série, nous abordons les arguments rhétoriques générés par la présence de ces publicités dans Cyberpunk 2077.
Barthes, R. (1964). Rhétorique de l’image. Communications, 4(1), 40‑51. https://doi.org/10.3406/comm.1964.1027
Eco, U. (1985). Lector in fabula. Dans Lector in fabula (p. 84‑108). Éditions du Seuil.
Gerding Speno, A. et Aubrey, J. S. (2018). Sexualization, Youthification, and Adultification: A Content Analysis of Images of Girls and Women in Popular Magazines. Journalism & Mass Communication Quarterly, 95(3), 625‑646. https://doi.org/10.1177/1077699017728918
Gramazio, S., Cadinu, M., Guizzo, F. et Carnaghi, A. (2020). Does Sex Really Sell? Paradoxical Effects of Sexualization in Advertising on Product Attractiveness and Purchase Intentions. Sex Roles. https://doi.org/10.1007/s11199-020-01190-6
Guillemette, L. et Cossette, J. (2006). Umberto Eco : La coopération textuelle. http://www.signosemio.com/eco/cooperation-textuelle.asp
Jordan, L., Kalin, J. et Dabrowski, C. (2020). Characteristics of Gun Advertisements on Social Media: Systematic Search and Content Analysis of Twitter and YouTube Posts. Journal of Medical Internet Research, 22(3), e15736. https://doi.org/10.2196/15736
Krevel, M. (2018). On the Apocalypse that No One Noticed. ELOPE ; English Language Overseas Perspectives and Enquiries, 15(1), 9‑16.
Arrêtez-moi si vous avez déjà vécu cela.
Vous étudiez pour un examen, dans deux jours. Sur votre écran, caché derrière un PDF, un Powerpoint et un document Word, il y a un stream YouTube d’ouvert, qui envoie à tes écouteurs une musique relaxante, des rythmes synthétiques légers entrecoupées de grésillements, de pops et de quelques paroles disparates.
Sur l’écran, caché derrière, il y a une fille, assise à son bureau, qui, un peu comme toi, s’affaire à étudier, en boucle. Parfois, elle jette un regard vers l’extérieur et semble se perdre un instant dans l’horizon. Puis, elle se retourne vers ses feuilles, accotée sur une main.
***
Il y a, depuis quelques années, une explosion de la musique "nostalgique" pour les années 1980 et 1990 sur YouTube. Je pense entre autres à des genres musicaux influents comme le vaporwave, le synthwave, le chillwave, le City Pop et le maintenant iconique lofi hip-hop. Ce sont des genres qui utilisent des synthétiseurs, des rythmes dépassés et qui intègrent des paroles de produits banals d'époques passées. On trouve des sons tirés de publicités, de discours de politiciens décédés et des extraits de série télévisuelles.
Dans son article « Reconstruced Nostalgia », Paul Ballam-Cross apporte le terme du nostalgia genre continuum, le continuum du genre nostalgique. C’est un terme qu’il utilise pour parler du Chillwave, du Synthwave, du Vaporwave et de leurs dérivés. C’est un concept que j’aime bien, puisque, fondamentalement, le continuum nostalgique sur YouTube prend plusieurs formes. Le continuum nostalgique prolifère sur YouTube sous la forme de radios en ligne ou de longues vidéos musicales de 40 à 100 minutes. Les images qu'utilisent ces vidéos sont bourrées de symboles dépassés, des télévisions cathodiques, des cassettes, des VHS, des couleurs criardes typique des années 1980 et 1990. Il y a visiblement un sentiment mélancolique qui est évoqué ici, un souvenir d'un passé nébuleux où les choses semblaient mieux.
Le vaporwave est probablement le premier genre musical créé sur l’internet et le premier exemple historique du continuum nostalgique. L’exemple iconique du mouvement est Floral Shoppe de Macintosh Plus, un album de musique électronique qui échantillonne des voix distantes, des sons de synthétiseur et même des musiques d’ascenseur pour imaginer une musique rétro et onirique. La couverture de l’album elle-même est un mélange hétéroclite de symboles. Il y a un plancher mosaïque rose et noir, un buste ancien d’Helios et une photo de l’horizon New-Yorkais pré-11 septembre. Le titre est présenté la fois en anglais et en japonais. Le tout a comme objectif de créer un sentiment de nostalgie pour un passé qui n’a jamais réellement existé (Cramer Bornemann, 2017).
Un genre particulièrement fascinant qui semble s’être développé en parallèle est le « Sovietwave. » Originaire des républiques de l’ex-Union Soviétique, le sovietwave est un style de synthpop, entrecoupé de sons typiques des années 80 dans le deuxième monde. On entend, entre les beeps et les boops, des échantillons tirés de dessins-animés russes ou des discours de politiciens soviétiques. On illustre ces morceaux musicaux de propagande soviétique ou d’illustrations qui présentent le rêve de la course à l’espace. Dans la musique, les synthétiseurs mettent de l’avant des mélodies rétrofuturistes : on invente la musique du futur, selon les années 80 et 90 (Cheung, 2019). Même sans avoir vécu en Union Soviétique, les morceaux génèrent un sentiment de nostalgie pour ce rêve perdu.
Impossible ici de ne pas mentionner au passage l’apparition du « City Pop » dans l’imaginaire populaire occidental. C’est une vidéo maintenant iconique de la chanson de Mariya Takeuchi « Plastic Love » (1984) qui est responsable de l’explosion en popularité récente du genre sur YouTube et en Occident. La chanson « Mayonaka no Door / Stay With Me » a aussi fait partie d’un trend viralsur Tiktok en octobre dernier. Des jeunes faisaient écouter la chanson à leurs mères. La chanson faisait grandement réagir celles qui s’en souvenaient. (Zhang, 2021).
Le City Pop, fondamentalement, c’est de la musique pop japonaise des années 1970 et 1980. C’est un mélange exubérant de jazz, de rock, de disco, de funk américain, typique de cette époque, mais adapté au monde Japonais (Zhang, 2021).
« lofi hip hop radio - beats to relax/study to » est une diffusion continue en direct d’une playlist de lofi hip hop. C’est l’exemple le plus iconique de ce genre musical, particulièrement apprécié des étudiants et les jeunes adultes. Le lofi hip-hop est souvent utilisé comme son de fond lors de de séances d’étude, à cause de ses rythmes relaxants et tamisés.
Dans leur article sur le sujet, Emma Winston et Laurence Saywood argumentent que le style est un dérivé du hip-hop traditionnel avec un son typiquement « low-fidelity ». « Low Fidelity »au sens que les créateurs s’efforcent d’émuler les technologies du passé, à créer un son malmené. On ajoute des grésillements, des pops, des extraits vocaux de différentes sources (Winston et Saywood, 2019 : 44), à la manière du vaporwave.
Ces derniers exemples, en soi, semblent déconnectés, mais font partie de ce que plusieurs ont identifié comme un engouement pour la musique sur YouTube qui aborde la nostalgie, la mélancolie et les rêves du passé (Cheung, 2019). Si nous explorons les commentaires sous ces vidéos, ceux abordant la nostalgie sont nombreux.
Évidemment, les commentaires ne portent pas tous sur ce sentiment, mais on remarque des exemples sous tous les vidéos étudiés. Peu importe si ces genres évoquent l’idéal d’une société capitaliste prometteuse, la promesse d’un futur brillant ou simplement la nostalgie pour un passé inexistant, on aperçoit un engouement pour ce sentiment. Les auditeurs parlent de nostalgie et sont mélancoliques. Ils se tournent vers un moment, imaginaire, où les choses semblaient mieux, ou les idées qu’évoquent ces genres musicaux semblaient réalistes.
Dans son article pour le Journal of Popular Music Studies, Paul Ballam-Cross parle de « nostalgie reconstruite ». Les créateurs et créatrices mélangent les différents styles musicaux, les références d’époque et les instruments. L’esthétique des genres qu’il étudie est ancré dans la technologie analogue : une fétichisation des cassettes, des VHS, des tournes disques. (Ballam-Cross, 2021 : 73-74) et des artefacts de la période : les centres commerciaux, le surréalisme, l’été et la mer et les textes orientaux (l’écriture japonaise sur Floral Shoppe, par exemple.) (Ballam-Cross, 2021 : 80). La nostalgie reconstruite est l’idée que le nostalgia genre continuum utilise l’imagerie des années 1980 et 1990, mais forment ensemble une idée d’une époque qui n’a jamais réellement existé, créant donc quelque chose qui est à la fois nostalgique et nouveau (Ballam-Cross, 2021 : 72).
En parlant de lo-fi hip-hop, Winston et Saywood soulignent particulièrement l’intégration d’un échantillon audio de la série Legend of Korra (2012-2014). Une inclusion qui brise le lien temporel avec les années 1980 et 1990, mais, qui pourtant, ne casse pas le potentiel nostalgique du morceau. Les auditeurs entrent dans le jeu. Un commentaire qu’elles ont relevé dit : « I’ve never seen Korra, but remember it from when I was a kid, » (Dreamwave, 2017, cité dans Winston et Saywood, 2019 : 46). La combinaison de la musique « analogique » des rythmes modernes et des échantillons, mènent les auditeurs à s’inventer un « souvenir » de leur enfance. (Winston et Saywood, 2019 : 47).
La fascination dans l’Ouest avec le City Pop rappelle aussi cette nostalgie pour un passé imaginé. Ce sont des chansons qui rappellent les années 1970 et 1980 mais… incorrectement. La musique sonne comme du funk, comme du jazz, comme du soul, mais il y a quelque chose qui cloche. La chanteuse est Japonaise, les rythmes sont juste assez différents pour être étranges. C’est une musique qui nous « rappelle » un souvenir impossible du passé. Comme le commentateur sous Plastic Love l’a si bien dit, « Anyone else remember that time you weren’t in Tokyo in the 80s? Yeah, me too. »
Cet engouement actuel pour le continuum nostalgique, pour une musique qui imagine une ère plus détendue, plus simple, n’est peut-être pas si aléatoire que ça.
Mes générations (les milléniaux et la génération Z) sont parmi les plus stressées, anxieuses et déprimées de l’histoire. Les milléniaux ont dû surmonter la récession de 2008, un événement « qui n’arrive qu’une fois dans une vie, » …qui s’est ensuite reproduit avec la récession causée par la pandémie de la Covid-19 en 2020-2021. Mes générations ont eu à prendre des emplois difficiles, sans prospects d’avenirs. Leurs salaires ont stagné et leurs conditions de travail ont empirées, et ce, bien que ce sont probablement les générations les plus éduquées… ever. (McMaster, 2021 :
Les gens de mon âge ont aussi eu ont eu à repousser les jalons de la vie adulte :
« "They're not homeowners, they're not in relationships, they're not getting married. They're living in the basement of their parents' home. There's all kinds of things that have frustrated their efforts to get ahead.
The generation as a whole is among the most educated it has ever been, but the path to success is also less clear." »
Geoff McMaster, Université de l’Alberta.
Il est généralement assumé que la prochaine génération aura des meilleures conditions que celle d’avant. Tout porte à croire que c’est une règle qui ne s’appliquera pas à nous. Je ne mentionne ici que les réalités matérielles de mes générations, mais… le réchauffement climatique est une réalité qui met au défi cette idée que les choses s’amélioreront pour nous dans le futur
Le lofi les nombreux genres du continuum nostalgique rassurent et réconfortent. En étant subtilement nostalgique pour un passé mystérieux et disjoncté, la trame sonore de la fille lofi est devenue iconique pour une partie particulièrement « en ligne » de mes générations.
Je me souviens du rêve d’explorer les étoiles de la course à l’espace, du bonheur de magasiner au centre commercial avec mes amis, de mes soirées froides passées à explorer Tokyo. C’était bien, les années 1990.
Sur l’écran, il y a une fille, assise à son bureau, qui, un peu comme moi, s’affaire à étudier, en boucle. Parfois, elle jette un regard vers l’extérieur et semble se perdre un instant dans l’horizon. Puis, je me retourne vers mes feuilles, accotée sur une main.
Ballam-Cross, P. (2021). Reconstructed Nostalgia: Aesthetic Commonalities and Self-Soothing in Chillwave, Synthwave, and Vaporwave. Journal of Popular Music Studies, 33(1), 70‑93. https://doi.org/10.1525 /jpms.2021.33.1.70
Bornemann, T. C. (2017, 8 décembre). Vaporwave, Revisited: A Second Look at the Forever-Mutating Genre. Medium. https://medium.com/@Thorcb/ vaporwave-revisited-a-second-look-at-the- forever-mutating-genre-b7da26d76ca3
Cheung, N. (2019, 11 novembre). Nostalgia for the future: what Sovietwave has taught me. PHASER. https://phasermagazine.com/ main/2019/11/11/nostalgia- for-the-future-what-sovietwave-has- taught-me
Mcmaster, G. (2020, 28 janvier). Millennials and Gen Z are more anxious than previous generations: here’s why. University of Alberta. https://www.ualberta.ca/folio/ 2020/01/millennials-and-gen-z-are- more-anxious-than-previous-generations- heres-why.html
Winston, E. et Saywood, L. (2019). Beats to Relax/Study To: Contradiction and Paradox in Lofi Hip Hop. IASPM Journal, 9(2), 40‑54.
Zhang, C. (2021, 24 février). The Endless Life Cycle of Japanese City Pop. Pitchfork. https://pitchfork.com/features/ article/the-endless-life-cycle-of-japanese- city-pop/
Une analyse du design et de la culture ludique de Tinder.
Cet article représente une version réduite d’un travail universitaire pour mon cours de ludification à la maîtrise en communication à l’UQAM. J’ai retiré certaines sections, modifié la syntaxe, coupé à peu près la moitié du contenu et effectué des modifications pour rendre la lecture plus agréable.
On connait Tinder. Glisse à gauche. Glisse à droite. Glisse à droite — Ah ! Un match ! Glisse à gauche. Glisse à droite.
Tinder est, fondamentalement, une application de rencontre, un outil de géolocalisation qui permet à différents utilisateurs de se donner un « j’aime » et de démarrer une discussion.
Depuis son lancement en 2012, Tinder s’est catapultée au sommet du marché des applications de rencontre. Son succès est dû à sa mécanique révolutionnaire : le swiping. Glisse à droite pour donner un « j’aime », à gauche pour rejeter le profil. Dans un article pour Business Insider de 2016, Jonathan Badeen, cofondateur de Tinder, parle du design du swiping. Il fait référence à l'idée de classer les profils comme s’ils étaient des cartes. Pour lui, le swiping permettait de ludifier l’application. L’action est satisfaisante, rétroactive et crée une interaction physique qui rend l’expérience addictive (Badeen, 2016).
Le mot ludique est fréquemment employé à outrance. C’est un terme qui se place bien en marketing, pour décrire un peu n’importe quoi. Nous pourrions croire que c’est le cas ici aussi, mais…
Ne connaissez-vous pas quelqu’un qui joue à Tinder ?
Quelqu’un qui va glisser, qui discute avec ses matchs, mais qui, finalement, n’utilise jamais Tinder pour rencontrer des gens ?
Pas de suspens, ce n’est possiblement pas seulement une coïncidence.
Plusieurs études ont conclu que le divertissement représente une des motivations importantes d’utiliser Tinder chez de nombreux participants. Dans une recherche effectuée par Janelle Ward, la quasi-totalité des personnes interviewées a dit utiliser Tinder pour le divertissement et le boost d’ego (Ward, 2017 : 1649-1650). Rhiannon Kallis constate, après 31 entrevues qualitatives, que les utilisateurs utilisent autant Tinder pour se divertir que pour connecter (Kallis, 2020 : 69). Dans une étude pour Telematics and Informatics, des chercheurs ont sondé 266 jeunes adultes, pour découvrir les diverses motivations liées à l’utilisation de Tinder : la validation de soi et le divertissement figurent comme troisième et quatrième motivation (Sumter et coll., 2017 : 73-75). Elisabeth Timmermans et Elien de Caluwé, en développant un modèle de motivations des utilisateurs Tinder, constatent un usage ludique non négligeable, par l’entremise d’entrevues et de sondages (Timmersmans et Calluwé, 2017). Malgré le fait que Tinder soit une application de rencontres, l’application semble avoir développé une microcommunauté de « joueurs ».
Cet usage précis de Tinder sera le sujet à l’étude dans le présent travail. Pourquoi est-il possible pour ces utilisateurs d’utiliser Tinder comme outil de divertissement ?
Un jeu, fondamentalement, est une activité réglée, déconnectée de la réalité à laquelle nous participons pour le plaisir de simplement y participer. Lorsque nous jouons aux échecs, ou jouons à un jeu de société avec des amis, nous jouons pour le plaisir même de jouer. Évidemment, ce n’est pas toujours le cas : pensons à des joueurs professionnels qui, oui, jouent à un jeu, mais y jouent pour gagner de l’argent.
Jaako Stenros distingue les termes « jouer » (« playing ») et « l’esprit ludique » (« playfulness »). Il note que les deux phénomènes sont similaires, mais pas identiques : il est possible de suivre les règles d’un jeu (donc de jouer) sans s’immerger ou les accepter (donc d’être « playful »). L’inverse est possible : il est possible de vivre l’esprit ludique sans les règles explicites d’un jeu (Stenros, 2015 : 202).
L’esprit ludique apparaît lorsqu’une l’activité est effectuée pour le plaisir de l’effectuer (l’activité est autotélique). Jouer au soccer avec des amis est une activité autotélique, puisqu’on joue pour jouer. Ceci s’oppose aux activités effectuées avec un objectif matériel ou externe à l’activité (une activité télique) (Stenros, 2015 : 203). La ludification désigne l’introduction des éléments de jeu, afin de transformer des activités téliques en activités autotéliques (Raessens, 2014 : 95).
La dernière décennie a vu une course à la ludification. Les objectifs de la ludification sont de rendre les activités « utiles » plus amusantes et engageantes par l’entremise d’éléments du domaine du jeu. Par exemple, le concours annuel « Déroule le rebord pour gagner », de Tim Hortons est une ludification de l’achat du café. La possibilité de gagner un prix en déroulant le rebord cartonné d’une tasse de café crée un jeu aléatoire qui motive le client à participer pour le plaisir de participer en lui-même, avec l’effet secondaire rentable d’augmenter les ventes de café de Tim Hortons.
Lorsque nous pensons à « une application ludifiée », on imagine souvent des applications avec un système « BLAP » (Badges, Leaderboards, Achievements, Pointification), mais l’imposition de ce genre d’éléments de design ne représente pas l’unique, ou même la meilleure, façon de ludifier une activité. La ludification peut prendre la forme de systèmes qui facilitent l’expérimentation et l’émergence (Fizek, 2014 : 279-284) et multiplient les possibilités d’appropriations pour les différents types de joueurs (Nicholson, 2014).
Fondamentalement, une expérience ludique dépend autant des systèmes en place dans le jeu que de l’esprit que nous adoptons au moment de participer l’expérience.
Maintenant, allons swiper.
L’application Tinder est relativement simple, en termes de fonctionnalités. Après avoir téléchargé l’application, l’utilisateur peut créer son profil. Il peut choisir des photos qu’il associera à son profil. L’utilisateur peut choisir de montrer des intérêts ou passe-temps, intégrer des informations générales sur lui-même et rédiger une courte biographie de quelque 500 caractères.
Ceci fait, l’utilisateur peut commencer à glisser sur des matchs potentiels. L’application géolocalisée propose des profils d’autres utilisateurs, basés sur son orientation sexuelle et sa localisation. Si un des profils proposés l’intéresse, l’utilisateur peut glisser son doigt à droite ou rejeter le profil en glissant vers la gauche. Il peut aussi choisir de consulter le profil de la personne en détail en cliquant sur la photo.
Lorsque deux utilisateurs se like, ils ont un match et peuvent utiliser l’outil de clavardage intégré pour apprendre à se connaitre. Mécaniquement, Tinder est simple, mais c’est cette simplicité qui permet à son aspect principal, le glissement, de briller.
Choisir dans quelle direction glisser son pouce sur Tinder est le résultat d’une analyse considérée par l’utilisateur, basé sur ses propres préférences et son interprétation des informations fournies dans le profil de la personne. La présente section abordera les différentes facettes du glissement dans l’objectif de constater comment il génère une expérience ludique lors de son utilisation.
Discuter de pourquoi l’action de glisser est ludique implique d’analyser la réalité physique de glisser. Stéphane Vial analyse l’aspect inhéremment ludogène des appareils numériques. Il note que la ludogénéité est intrinsèque à l’appareil numérique, comparé aux outils médiatisés précédemment disponibles à l’humanité. Ceci ne signifie pas que tout ce qui est numérique est nécessairement ludique, mais plutôt que tous les appareils numériques ont le potentiel de le devenir (Vial, 2016 : 11). L’appareil numérique est aussi réversible : il est possible de changer son interaction. Ceci représente une façon de maximiser le nombre d’interactions satisfaisantes avec l’objet (Vial, 2016 : 12).
L’action de glisser sur Tinder, en ce sens, est mécaniquement satisfaisante : la curiosité de voir le résultat d’un glissement pousse l’utilisateur à l’action. La possibilité de glisser à nouveau pousse l’utilisateur à continuer. Avec chaque balayement du pouce, l’utilisateur fait un choix et est ensuite immédiatement récompensé par l’apparition d’un nouveau profil.
Le geste excite, selon Inès Garmon, non pas par la possibilité de la rencontre, mais parce que d’effectuer le geste permet de le refaire. L’utilisateur, dans le moment, se divertit par l’engagement généré par le processus de prendre une décision (Garmon, 2018 : 46). Le glissement du pouce est tactilement satisfaisant, rassurant et facile, en comparaison avec un bouton, qui serait plus décisif (Garmon, 2018 : 47).
Prestement exécuté, le glissement donne à la prise de décision une spontanéité, qui se voit toujours récompensée par la possibilité de reprendre la décision à nouveau. Cette rapidité, combinée avec la pauvreté de l’information présentée et le nombre « infini » de profils disponible, pousse l’utilisateur à agir rapidement (Dulaurans et Marczark, 2019 : 116-117).
Le rejet n’est jamais direct sur Tinder : si l’autre a déjà rejeté le profil de l’utilisateur, il n’est pas averti que son affection n’est pas retournée. Plutôt, la personne est instantanément oubliée par l’apparition du prochain profil.
Glisser, sur Tinder, s’apparente à tirer d’un paquet de cartes, en attendant d’obtenir un match, avec le privilège d’être déconnecté de la rétroaction des autres (Lang, 2016 : 6-8).
Sid Meier, le designer derrière la série Civilization, a donné une définition généraliste des jeux vidéo, qui va comme suit : « Les jeux sont une série de choix intéressants. » (Sid Meier, cité dans Alexander, 2012, ma traduction). Cette définition parfois critiquée est clarifiée par Meiers au Games Developer Conference de 2012. Il considère que les jeux sont une série de choix, certains plus simples et d’autres plus complexes, que le joueur doit effectuer. Les choix « intéressants » sont situationnels, personnels, persistants et informés (Alexander, 2012). Tinder permet de prendre de ce type de décisions et serait donc ludifiable.
La mécanique de balayer le pouce a déjà été réapproprié comme méthode pour prendre des décisions dans un contexte purement ludique. Par exemple, dans le jeu indépendant Reigns (Nerial, 2016), le joueur joue un monarque et est tâché de réagir aux diverses situations qui lui sont présentées. Pour se faire, il est toujours offert deux choix, représentés par la possibilité de glisser à gauche ou de glisser à droite, comme sur Tinder.
Comme nous l’avons vu, l’action mécanique de glisser est ludique en elle-même et offre une rétroaction satisfaisante. À cet élément s’ajoute la décision en elle-même : dans quelle direction l’utilisateur devrait-il glisser ?
L’application, en quelque sorte, pose toujours la même question à l’utilisateur : « est-ce que ce profil t’intéresse ? »
Une question redondante, peut-être, mais dont la réponse sera toujours nécessairement différente : les informations fournies avec le profil de l’autre doivent être réinterprétées à chaque fois. Répondre à la question « est-ce que ce profil t’intéresse ? » oblige nécessairement l’utilisateur à croiser ses propres intérêts et ses motivations avec les informations présentées dans le profil.
Tinder valorise l’information visuelle (les images), mais l’utilisateur peut aussi effectuer un processus de filtration. Janelle Ward étudie ce processus de filtration, qui est basé sur une analyse rapide de la beauté, de la géographie, de l’identité, de la personnalité perçue, de l’intérêt sexuel, des préférences personnelles et l’évaluation du risque (Ward, 2017 : 1649-1650). La décision est possiblement rapide, mais est toujours centrée sur les objectifs personnels de la personne qui la prend.
Même si l’application met l’accent sur les images, certains utilisateurs peuvent tout de même chercher à créer un type de connexion précis avec les profils qu’ils « aiment » (Ward, 2017 : 1654). Pour ces utilisateurs, ce qui motive la prise de décision est radicalement différent.
Dans son texte « A RECIPE for gamification », Scott Nicholson présente un modèle de ludification basé sur la création de motivation intrinsèque au sein des dispositifs de ludification avec l’aide de six concepts. Le « C » dans RECIPE désigne Choice, le choix, en soulignant que le joueur devrait être capable de choisir comment il souhaite s’engager dans le système ludifié. Le dispositif ludifié doit aussi lui fournir suffisamment d’informations, le « I » de RECIPE, qui peuvent l’aider à déterminer par lui-même comment profiter du système (Nicholson, 2014).
La prise de décision sur Tinder est, certes, rapide, en comparaison avec ses compétiteurs, mais Tinder permet tout de même à l’utilisateur de prendre des décisions personnelles, situationnelles et informées.
En soi, la mécanique du swiping pourrait être suffisante pour voir Tinder comme une ludification de la séduction : en rendant la prise de décision satisfaisante en elle-même, Tinder rend agréable le processus de filtration. Il reste cependant intéressant de constater la place de Tinder dans la ludification de la culture de la séduction et comment cette culture mène à percevoir les différents outils de Tinder comme des systèmes jouables. Il semble pertinent d’explorer comment la culture qui entoure Tinder a mené à son usage ludique.
Le monde de la rencontre emprunte fréquemment au vocabulaire ludique : on pense notamment aux « pickup artists », qui approchent le monde du dating à la manière d’un jeu entre les sexes (Kray, 2018 : 43). Il y a ici une prétention que The Game peut être appris et qu'il est possible d'appliquer des stratégies apprises lors de situations de séduction (Kray, 2018 : 52). Les enseignants du Game vont présenter des stratégies globales (comme d’envoyer des signaux mixtes pour « la faire travailler ») (Kray, 2018 : 53), des tactiques lors de la séduction (comme des choix de posture, de langage non verbal) (Kray, 2018 : 54) et de manipulation, dans l’objectif pour l’homme d’être désiré par la femme ciblée (Kray, 2018 : 54).
Le Game véhicule des éléments de masculinité toxique, mais représente tout de même un exemple de la ludification de la culture de la séduction. Cette approche aux relations, vendue par des gourous du Self-help, présente les relations interpersonnelles comme étant « résolubles » : si nous appliquons ces stratégies, pratiquons fréquemment et acceptons les échecs, disent-ils, il est possible de résoudre la séduction, en quelque sorte.
L’utilisation de Tinder est, dans certains sous-groupes, une activité sociale. Dans son mémoire de doctorat en philosophie, Tanya Oishi analyse la performativité de la masculinité sur la sous-communauté Reddit « r/Tinder » en analysant particulièrement un événement éphémère du subreddit, le Profile Review Week, où les membres ont été invité à partager leurs profils Tinder pour recevoir de la rétroaction de la communauté. Les commentaires sous ces publications représentent une négociation de la façon de représenter la masculinité : les commentateurs discutent de l’habillement des utilisateurs, du choix des photographies employées et de la description choisie, afin de produire des profils Tinder plus désirables (Oishi, 2019 : 69).
Similairement, Kenneth Hanson constate l’aspect social de l’application en lien avec la création et la gestion du profil. Elle note comment plusieurs jeunes adultes disent avoir créé leurs profils Tinder avec des amis. Une des jeunes femmes interviewées explique qu'elle a téléchargé l’application à deux heures du matin avec une amie, parce qu’elles s’ennuyaient. Elles ont passé un moment pour créer un profil et pour se divertir avec l’application (Hanson, 2017 : 23). D’un autre côté, plusieurs des répondants soulignent optimiser leur profil Tinder avec l’aide de l’opinion de leurs pairs (Hanson, 2017 : 25-26) et décrivent comment ils choisissent des images et rédigent des descriptions qui leur permettent de projeter un idéal d’eux-mêmes.(Hanson, 2017 : 25). L’expérience de Tinder est aussi souvent commune, dans un sens, parce que plusieurs n’utilisent l’application que lorsqu’ils sont entre amis (Hanson, 2017 : 47). Ceux qui utilisent Tinder pour se divertir auraient aussi davantage tendance à utiliser l’application avec des amis que ceux qui ont d’autres raisons d’utiliser l’application (Snitko, 2016 : 54-55).
Dans un article pour Games and Culture, Maria Garda et Veli-Matti Karhulahti analysent Tinder à la manière d’un jeu. On compare entre autres la notion de créer son profil Tinder à la création d’un avatar (Garda et Karhulahti, 2019 : 2). Cette comparaison semble raisonnable dans le cas de Tinder, dans le sens où les utilisateurs sont contraints de se représenter avec des moyens limités dans une interface qui donne la primauté à seulement certains éléments d’information, comme la photo de profil principale (Garda et Karhulahti, 2019 : 5).
Cet usage social de Tinder représente un rapport ludique avec les fonctionnalités de l’application. Les libertés permises par les outils de Tinder poussent les utilisateurs à créer des représentations optimisées d’eux-mêmes, comme en trouvant les « bonnes » images et en améliorant le contenu de leur description. Sur r/Tinder, les hommes étudiés s’échangent des commentaires sur leurs photos (allant de commentaires sur la résolution de la photographie, le sourire de la personne ou sa position) et proposent des améliorations pertinentes (Oishi, 2019 : 69). Les observations de Hanson soulignent comment la création de profils chez les jeunes universitaires est souvent le résultat de travail d’équipe entre amis, afin de filtrer les photos et de produire un profil qui représente le meilleur de soi-même. Une des jeunes femmes interviewées note comment elle utilise des photographies de différents moments de sa vie, de façon à montrer son teint bronzé ou un corps plus athlétique, qui n’est plus nécessairement représentatif au moment de la création du profil (Hanson, 2017 : 25).
Ces interactions observées sous-entendent qu’il est possible d’augmenter sa performance sur l’application en apprenant à utiliser les systèmes en place, un aspect que nous associons typiquement aux jeux. Il est important de noter que cette optimisation a aussi lieu sans l’aspect communautaire de Tinder : les utilisateurs seuls effectuent aussi des changements à leur profil afin d’améliorer leur performance dans l’application (Ward, 2017 : 1652). La création de stratégies et les discussions sur l’optimisation présentées dans cette section nous permettent de voir comment le contexte de Tinder a créé un besoin de mise en commun chez certains segments de sa communauté pour optimiser leurs « eux-idéals ».
La collaboration entre pairs, discutée précédemment, est aussi présente lors du processus de séduction médié par ordinateur. Les participants interviewés par Hanson discutent de comment leurs amis ont souvent un impact dans la discussion médiée : « Once two people match, conversations are monitored and shared between friends in a group. This is not to say that the motivations for using dating apps are free from personal desires. » (Hanson, 2017 : 26). Jin Lee donne des exemples de comment la communauté r/Tinder discute de stratégies de discussion. Elle note que les utilisateurs observés cautionnaient contre l’intimité trop rapide (Lee, 2019 : 6) et qu’ils partageaient leur opinion sur comment répondre à des situations « anormales » avec un match, comme lorsque c’est la femme qui débute la conversation (Lee, 2019 : 7). Elle constate aussi comment la communauté formule des opinions sur l’environnement Tinder en général (notamment, que seulement les gens considérés beaux peuvent réussir sur l’application) (Lee, 2017 : 8). Lee analyse ces discussions sur la communication médiée d’un angle féministe et souligne comment ces interactions comportent des idées nocives (notamment l’idée que Tinder = application pour des relations sexuelles), mais, nous pouvons voir ces interactions comme des recommandations de groupe sur les stratégies à adopter pour améliorer sa performance ainsi que comment décoder les éléments d’information comme les messages reçus.
L’espace de clavardage de Tinder est aussi ludifiable au sens qu’il peut être employé pour des usages hors-normes. Autant d’hommes que de femmes utilisent Tinder pour le Trolling, c’est-à-dire qu’ils adoptent des comportements offensants, provocants ou menaçants, dans l’objectif de faire réagir l’autre pour leur plaisir (March et coll., 2016 : 139-140). Une utilisatrice a utilisé Tinder pour faire de la promotion d’un parti politique (Duguay, 2018 : 30), des travailleurs et travailleuses du sexe font de la promotion de leurs services, des organisations promeuvent leurs messages, etc. (Duguay, 2018 : 35). Ces appropriations des possibilités de la plateforme pour d’autres objectifs représentent des niveaux de jouabilité plus impliqués (Raessens, 2014 : 106). Sonia Fizek présente l’idée du « emergent playfulness » (amusement émergent) comme étant l’idée que les systèmes ludifiés de façon à faire place à l’amusement multiplient les façons pour l’utilisateur de créer son propre plaisir (Fizek, 2014 : 279). Ces usages hors-normes représentent à la fois des appropriations des affordances de la plateforme pour des gains personnels ou pour le plaisir.
Nous avons observé comment le design de Tinder est en lui-même satisfaisant et ludique, ainsi que comment la ludification de la culture a créé une relation souvent ludique avec l’application de rencontre. La présente section cherche à combiner ces deux aspects de la « jouabilité » de Tinder en employant le modèle RECIPE de Nicholson, un concept précédemment effleuré.
Scott Nicholson, professeur en Design de Jeux vidéo à l’Université Wilfrid Laurier, cherche à créer une définition pour une « bonne » ludification, qui permet à l’utilisateur de générer sa propre motivation pour s’engager avec les systèmes ludifiés. Ce modèle tente d’améliorer les stratégies de ludification omniprésentes au début des années 2010. RECIPE représente 6 axes qui permettent au plus grand nombre de joueurs de se motiver pour accomplir l’activité ludifiée. Il résume les concepts ainsi : «
Ces six concepts seront utilisés pour explorer comment le design de l’application Tinder et la culture qui l’entoure se combinent pour créer une expérience ludifiée intrinsèquement motivante.
Play. Tinder, en termes de design, prend la forme d’outils simples, que l’utilisateur a la liberté d’utiliser comme il le souhaite. Les éléments du profil sont, certes, peu nombreux, mais mènent nécessairement l’utilisateur à les utiliser à leur plein potentiel, afin de pouvoir obtenir des matchs. L’utilisateur peut jouer à déterminer les meilleures photos de lui-même, trouver la description qui le représente le mieux, ou même utiliser ces outils pour un autre objectif complètement. La rétroaction des matchs et des likes permet à l’utilisateur d’adapter son usage de ces outils.
Exposition. L’exposition, au sens de « […] présenter une narration par l’entremise d’éléments de design ludique. » (Nicholson, 2014), peut prendre des formes diverses. Il n’est pas nécessaire de créer un monde en tant que tel, selon Nicholson. La narration émergente, c’est-à-dire générée par le joueur avec le jeu, serait un type de narration qui s’applique à Tinder. Les conversations entre matchs génèrent des anecdotes qui permettent au joueur de refléter sur ses intérêts et sur les personnes sur lesquels ils glissent.
Choice. L’utilisateur adapte ses décisions selon ses intérêts et selon ses motivations. Une personne qui cherche l’amour avec Tinder va donner des « j’aime » à des personnes différentes que quelqu’un qui va sur Tinder pour le plaisir. Simultanément, le profil modifiable et le clavardage permettent à l’utilisateur de faire des choix pertinents pour atteindre l’objectif qu’il souhaite atteindre.
Information. Pendant les séances de swiping, l’utilisateur est doté de suffisamment d’information pour prendre des décisions rapides et importantes pour lui. La primauté donnée à l’image permet de communiquer une grande quantité de signifiants rapidement décodables. Simultanément, les profils construits par les utilisateurs permettent aux utilisateurs d’atteindre leurs objectifs personnels.
Les deux points qui suivent, l’engagement et le reflection sont difficiles à comparer avec les fonctionnalités de Tinder. Cependant, comme il a été observé précédemment, la culture ludique de Tinder pourrait remédier à ce manquement, en quelque sorte.
Engagement. Cet aspect est particulier, puisque Tinder, en lui-même, ne fournit pas vraiment cet élément : à part pour les discussions entre matchs, l’aspect social de Tinder est entièrement informel et indirect. Cependant, il est très présent : les utilisateurs consultent des pairs lorsqu’ils créent leur profil et pour faire valider leurs matchs (Hanson, 2017 : 20-26) ou pour se divertir mutuellement (Snitko, 2016 : 54-55) et les sous-communautés numériques discutent de comment optimiser leurs profils et la façon qu’ils clavardent avec leurs matchs (Lee, 2019 : 6-9 ; Oishi, 2019 : 69-70).
Reflection. La « réflexion » représente comment l’utilisateur est donné la capacité de comparer son expérience avec l’application ou l’expérience ludifiée avec sa propre réalité. Pour ceux qui utilisent Tinder pour se divertir, le nombre de matchs et les discussions générées n’ont pas d’impacts réels en dehors de l’application. Pour ceux qui cherchent des relations amoureuses ou sexuelles, il n’y a pas d’espace dans l’application pour discuter de ce qu’ils auraient pu apprendre, par exemple. Cependant, les plateformes numériques comme r/Tinder et les groupes d’amis peuvent, encore une fois, servir d’endroit de partage sur ce que les utilisateurs ont appris sur eux-mêmes ou parler de comment ils ont atteint leur but.
L’utilisation du RECIPE de Nicholson nous permet de voir comment, à la fois, Tinder est une expérience avec une ludification incomplète, mais aussi comment la communauté et l’usage de l’application ont vraisemblablement comblé les manquements de l’application. Tinder présente à l’utilisateur une façon satisfaisante, rétroactive et presque enivrante de prendre des décisions. Cette fonctionnalité est, en elle-même, ludique et agréable à utiliser, en partie parce que l’utilisateur a le contrôle de comment il souhaite l’utiliser.
Les sources académiques assemblées dans le présent travail nous permettent de peindre un portrait de cette application ultrapopulaire et de pourquoi celle-ci en est venue à dominer le marché des applications de rencontre. Elles nous permettent d’élucider pourquoi un segment important emploie Tinder pour se divertir, plutôt que d’employer l’application pour son utilité donnée (Kallis, 2020 ; Sumter et coll., 2016 ; Timmermans et Caluwé, 2017 : 343 ; Ward, 2017 : 1649-1651).
Tinder ludifie la séduction en étant un jeu. En rendant satisfaisante et rapide la prise de décisions sans conséquence, Tinder motive au-delà de son objectif de créer des connexions (Garda et Karhulahti, 2019 : 10). Il devient possible de s’engager mécaniquement avec l’application, plutôt que socialement : les matchs et de likes deviennent des points dans le jeu (Garda et Karhulahti, 2019 : 3). Cette mécanisation d’un processus qui était auparavant purement social peut mener les utilisateurs à optimiser leurs performances dans l’application en s’appropriant les règles « du jeu ». Simultanément, les utilisateurs sont encouragés à travailler avec leurs amis ou avec des communautés numériques dans l’objectif de maximiser leur succès.
Le présent texte a tenté d’analyser pourquoi une aussi grande quantité d’utilisateurs voient Tinder comme une forme de divertissement, alors que son objectif est axé sur les rencontres amoureuses ou amicales. Par l’entremise de son pilier central, le swiping, Tinder génère une activité ludique liée indirectement à la séduction. L’action de glisser est satisfaisante en elle-même grâce à l’aspect ludogène des appareils numériques (Vial, 2016 : 11) combiné avec la rétroaction que génère Tinder. Tinder permet à l’utilisateur de prendre une décision importante pour lui, et le récompense en lui permettant de le faire à nouveau. C’est un cycle de validation qui donne toujours raison à l’utilisateur, qu’il obtienne des matchs ou non.
Ce rapport ludique à l’application est aussi visible dans la façon que les membres de la communauté cherchent à améliorer leurs profils. Les fonctionnalités liées à la création du profil et du clavardage de Tinder sont ludifiées par les communautés qui analysent les profils des autres et développent des stratégies. C’est notamment le cas sur la communauté Reddit r/Tinder, où les utilisateurs s’aident dans l’objectif d’obtenir plus de matchs ou simplement avec des amis, comme Kenneth Hanson montre dans son mémoire. Les usages non conformes de Tinder abondent, ce qui nous permet de constater que les outils en place sont faciles à approprier et peuvent être joués.
Lorsque comparé avec les caractéristiques recommandées par Scott Nicholson pour créer des activités ludifiées aux motivations intrinsèques, on constate que, si les fonctionnalités de Tinder ne comportent pas toutes les caractéristiques, la culture qui entoure Tinder ludifie son usage. Le pilier central de Tinder, qui permet de prendre des décisions satisfaisantes, est suffisante pour générer une expérience ludique avec l’application, et invite ses utilisateurs à « apprendre à utiliser » Tinder.
La présente recherche n’a pas tenté d’analyser en profondeur le phénomène. Il serait tout aussi pertinent d’étudier comment l’expérience ludique de Tinder est possiblement affectée par le genre. Les réalités démographiques de Tinder (notamment la proportion déséquilibrée entre les hommes et les femmes sur l’application) (Iqlab, 2017, consulté le 8 décembre 2020) ont-elles un effet sur l’expérience des utilisateurs de différents genres ? Malgré les limites de ce présent travail, cependant, le rapport ludique des utilisateurs avec l’application Tinder semble clair et mériterait d’être exploré davantage du point de vue des études du jeu et de la ludification.
Duguay, S. (2020). You can’t use this app for that: Exploring off-label use through an investigation of Tinder. The Information Society, 36(1), 30‑42. 10.1080/01972243.2019.1685036
Dulaurans, M. et Marczak, R. (2019). Sites de rencontre en ligne : comment se gamifie l’amour 2.0 ! Communication Organisation, n° 56 (2), 111‑122.
Garda, M. B. et Karhulahti, V.-M. (2019). Let’s Play Tinder! Aesthetics of a Dating App. Games and Culture, 1555412019891328. 10.1177/1555412019891328
Garmon, I. (2018). Le « swipe » pour se rencontrer ou la promesse d’une interaction « fluide » : Étude de cas d’un « petit geste » de manipulation des interfaces tactiles. Interfaces numériques, 40‑55 (1).
Kallis, R. B. (2020). Understanding the motivations for using Tinder. Qualitative Research Reports in Communication, 21(1), 66‑73. 10.1080/17459435.2020.1744697
Kray, T.-R. (2018). By means of seduction: pickup-artists and the cultural history of erotic persuasion. NORMA, 13(1), 41‑58. 10.1080/18902138.2017.1383024
Lee, J. (2019). Mediated Superficiality and Misogyny Through Cool on Tinder. Social Media + Society, 5(3), 2056305119872949. 10.1177/2056305119872949
March, E., Grieve, R., Marrington, J. et Jonason, P. (2017). Trolling on Tinder® (and other dating apps): Examining the role of the Dark Tetrad and impulsivity. Personality and Individual Differences, 110, 139‑143. 10.1016/j.paid.2017.01.025
Ward, J. (2017). What are you doing on Tinder? Impression management on a matchmaking mobile app. Information, Communication & Society, 20(11), 1644‑1659. 10.1080/1369118X.2016.1252412
Whitty, M. T. (2016). Cyber-Flirting: Playing at Love on the Internet. Theory & Psychology. 10.1177/0959354303013003003
Fizek, S. (2014). Why Fun Matters: In Search of Emergent Playful Experiences. Dans M. Fuchs, P. Ruffino, N. Schrape et S. Fizek (dir.), Rethinking Gamification (p. 273‑287). Meson Press.
Nicholson, S. (2014). « A RECIPE for Meaningful Gamification », Wood, L & Reiners, T. (eds.), Gamification in Education and Business, New York: Springer, 1–20.
Raessens, J. (2014). « The Ludification of Culture », Dans M. Fuchs, P. Ruffino, N. Schrape et S. Fizek (dir.), Rethinking Gamification (p. 91 114). Meson Press.
Stenros, J. (2015). Behind Games: Playful Mindsets and Transformative Practices. Dans The Gameful World: Approaches, Issues, Applications (p. 201‑222). MIT Press.
Timmermans, E. et De Caluwé, E. (2017). Development and validation of the Tinder Motives Scale (TMS). Computers in Human Behavior, 70, 341‑350. 10.1016/j.chb.2017.01.028
Hanson, K. R. (2017, mai). Why talk when you can Swipe ? A Qualitative Investigation of College Heterosexuals using Smartphones to Hookup and Date [Mémoire de maîtrise]. Kent State University.
Lang, C. (2016). Platform Gratifications: Tinder vs. Match.com [Mémoire de maîtrise]. West Virginia University.
Oishi, T. (2014). Alpha, Beta, Gamma Males: Asian/American Men and Audience Research [Mémoire de maîtrise]. University of Washington.
Oishi, T. (2019). Tinder-ing Desire: The Circuit of Culture, Gamified Dating and Creating Desirable Selves [Thèse de doctorat]. University of Washington.
Snitko, J. R. (2016, mai). Millennial matchmaker or just a game? The uses and gratifications of Tinder [Mémoire de maîtrise]. Purdue University.
Alexander, L. (2012, 7 mars). GDC 2012: Sid Meier on how to see games as sets of interesting decisions. Gamasutra. https://www.gamasutra.com/view/news/164869/GDC_2012_Sid_Meier_on_how_to_see_games_as_sets_of_interesting_decisions.php
Badeen, J. (2016). Tinder cofounder reveals how he came up with the app’s game-changing « swipe » feature in the shower. Business Insider. https://www.businessinsider.com/tinder-swipe-right-inventor-how-he-came-up-with-it-2016-11
Bromwich, J. E. (2019, 6 août). Wait, People Pay for Tinder? —The New York Times. The New York Times. https://www.nytimes.com/2019/08/06/style/tinder-gold.html
Iqlab, M. (2017, 21 août). Tinder Revenue and Usage Statistics (2020). Business of Apps. https://www.businessofapps.com/data/tinder-statistics/
LaVallee, A. (2009, 17 août). App Watch: Grindr Says It’s More Than a Hook-Up Service. Wall Street Journal. https://www.wsj.com/articles/BL-DGB-5716
Tinder | Rencontres, amour et amitié. (s. d.). Tinder. https://tinder.com
Reigns. (2016). Nerial.
Une étude des YouTubeurs conservateurs Paul Joseph Watson, Lauren Southern et Sargon of Akkad (Carl Benjamin).
Question de donner du contexte: j'ai rédigé ce texte en 2019 dans le cadre d’un cours universitaire. Les influenceurs de droite sont un sujet que je trouve fascinant, épeurant et, concrètement, important. J’ai moi-même passé près de sombrer dans le "culte" en 2014. Je m'excuse d'avance du style très académique, internaute inconnu.
***
Les dernières années ont vu les académiciens se pencher sur le phénomène des commentateurs politiques sur YouTube. La droite alternative, que Thomas J. Main étudie dans « The Rise of the Alt-Right » emploie particulièrement YouTube afin de véhiculer ses idéaux.
Ce mouvement politique de droite, que l’éditeur du site web American Renaissance définit comme:
« […] a broad, dissident movement that rejects egalitarian orthodoxies. These orthodoxies require us to believe that the sexes are equivalent, that race is meaningless, that all cultures and religions are equally valuable, and that any erotic orientation or identification is healthy. » (Main, 2018, p.4)
C’est ce mouvement controversé et des influenceurs qui en font partie qui seront le sujet d’étude de cette ressource. Depuis, 2014, plusieurs créateurs ont développé une communauté, que la chercheuse Rebecca Lewis a appelé le « Réseau des médias alternatifs » qui, ensemble « […] provide [s] an alternative media source for viewers to obtain news and political commentary, […] » (R. Lewis, 2018, p.4) L’importance qu’a gagnée ce réseau fortement associé à la droite alternative le rend fort convaincant et pourrait, selon certains experts, mener à la radicalisation.
Afin d’approcher le sujet, une recherche de la littérature académique ainsi qu’une étude quantitative du contenu produit par Carl Benjamin (900 000 abonnés), Lauren Southern (700 000 abonnés) et Paul Joseph Watson (1,6 million d’abonnés) ont été effectuées. Ces influenceurs seront sommairement présentés, puis une analyse d’une vingtaine de leurs plus récentes vidéos donnera un aperçu de comment ils présentent leurs arguments. Seront ensuite explorées leurs stratégies et leurs motivations, afin de déterminer l’effet que la combinaison de ces éléments peut entraîner.
Carl Benjamin est une personnalité britannique anti-justice sociale qui apparait sur YouTube en 2014. Il critique et s’attaque au féminisme en ligne avec le mouvement #GamerGate, qui dénonçait féminisme abusif qui menaçait de « détruire l’industrie du jeu vidéo. » (Poland, 2016, p.152). Benjamin s’est depuis réorienté : il s’est engagé pour l’UKIP (le United Kingdom Independance Party, un parti de droite pro-Brexit) en tant que candidat pour les élections européennes de 2019. (Kentish, 2019)
Lauren Southern est une journaliste citoyenne, commentatrice politique canadienne et ex-contributrice pour le site web canadien d’extrême droite Rebel Media. Elle publie du contenu antiféministe, anti-Islam et anti-immigration. (R. Lewis, 2018, p.47-48). En 2018, elle réoriente son contenu YouTube et se lance dans la production de documentaires, dont le premier, « Farmlands », s’intéresse aux crimes antiblancs en Afrique du Sud.
Paul Joseph Watson est un youtubeur depuis 2011 et éditeur pour le site web conspirationniste d’extrême droite InfoWars.com. Il s’est installé au sein de la communauté conservatrice avec ses critiques des mouvements de justice sociale, des institutions médiatiques et de la culture. (R. Lewis, 2018, p.48).
Vingt vidéos récentes ont été analysées pour chaque créateur sélectionné. Celles-ci ont été catégorisées selon leur sujet et leur format. Les résultats complets sont disponibles ici.
Des soixante vidéos analysées, les catégories de sujets traités les plus importantes sont :
Les influenceurs choisissent majoritairement (53 %) d’aborder ces sujets sous forme de monologue devant caméra. Les seconds formats les plus populaires sont
Afin de mieux comprendre le phénomène des influenceurs conservateurs sur YouTube, il est crucial de se pencher sur les stratégies employées. Rebecca Lewis identifie une ligne directrice dans son étude: la fabrication d’une identité conservatrice commune.
Selon Lewis, les youtubeurs de droite énoncent constamment qu’ils sont persécutés pour leurs opinions. (R. Lewis, 2018) Francesca Tripodi a constaté que cette stratégie est aussi très présente chez les consommateurs de médias conservateurs traditionnels :
« While none of my respondents had ever been personally harassed for their political opinions, it was clear in my observations that these groups were galvanized by the overarching notion that the intolerant ‘Left’ was silencing conservative expression. » (Tripodi, 2018)
Ce sentiment prend souvent la forme de la dénonciation du « de-platforming ». Par exemple, Carl Benjamin a publié la vidéo « This is How They Will Erase You », dans lequel il dénonce Facebook, YouTube et Twitter pour la fermeture des comptes de l’activiste Tommy Robinson. Il débute en disant que Robinson est « systématiquement effacé » des réseaux sociaux pour ses opinions, (Benjamin, 2019, 0 : 00 à 0 : 19) mais fait fi de mentionner que Robinson a cofondé le groupe islamophobe English Defence League et que celui-ci a été arrêté pour outrage au tribunal en 2017 et pour deux cas d’agressions violentes. (The Scotsman, 2018)
Les influenceurs présentent le conservateur du 21 siècle comme un individu cool et rebelle. Pour rejoindre leur auditoire technophile et jeune, les youtubeurs de droite bâtissent « a shared identity based on hipness and edginess » (R. Lewis, 2018) Paul Joseph Watson, par exemple, a publié, en février 2017, la vidéo « Conservatism is the NEW Counter-Culture », qui fait l’éloge de cette idée.
Jason Lavelle Griffin, doctorant en philosophie, souligne l’importance de la transgression dans cette nouvelle droite. En s’appropriant l’esthétique transgressive des mouvements de contre-culture du passé, la nouvelle droite se veut attrayante. Les nouveaux conservateurs emploient aussi l’humour comme stratégie de transgression et d’attraction : « A central feature of this transgression is the use of irony, horror, disgust and humour to make the actual ideas of Alt-right leaders more palatable, or at least make the other side appear toxic. » (Griffin, 2017, p.43)
Les influenceurs analysés cherchent à délégitimer d’une façon ou d’une autre les médias qui ne font pas partie de la sphère conservatrice. Dans sa vidéo « The Truth About Russian Collusion », publiée le 25 mars 2019, Paul Joseph Watson affirme :
« CNN, MSNBC, the New York Times, the Washington Post, every late-night comedian, all threw their weight behind a conspiracy theory that caused division across the country and undermined democracy. » (Watson, 2019, 0 h 48 à 1 h 1)
Tripodi ajoute à cela l’exemple de PragerU, une chaîne YouTube qui diffuse des vidéos idéologiques, a, entre autres, produit une vidéo nommée « Why No One Trusts the Mainstream Media. », dans laquelle une journaliste affirme que l’actualité déborde de contenu éditorialisé qui supportent les « idéaux libéraux préconçus. » (Tripodi, 2018, p.39)
Les influenceurs de droite emploient plusieurs autres stratégies qui ne seront pas mentionnées ici. Vous pouvez consulter les études de Data & Society à ce sujet.
La création d’une identité conservatrice numérique pointe vers deux motivations interreliées : les influenceurs souhaitent propager leurs points de vue tout en faisant croître leur présence numérique.
Griffin argumente que la droite alternative emploie l’outrage pour indigner son public et le pousser à agir. (Griffin, 2018, p.46) Pour les influenceurs analysés, cette indignation est dirigée vers des calls to action : les usagers sont invités à s’abonner sur YouTube, Facebook, Twitter ou Instagram. (R. Lewis, 2018, p.28-30)
Cette motivation passe parfois par la demande d’aide financière, comme pour Carl Benjamin et Paul Joseph Watson, qui ne peuvent plus monétiser leurs vidéos YouTube. (Bromwich, 2018) Watson, par exemple invite ses abonnés à l’aider via PayPal. De la même manière, Lauren Southern a annoncé son nouveau documentaire « Borderless », qui traitera de la crise des réfugiés syriens et incite, avec un vocabulaire fort, à participer au financement. (Southern, 2018)
Benjamin, Southern et Watson évoluent dans un environnement numérique composé de créateurs avec des opinions controversées. Est-ce que cet environnement peut avoir un effet social néfaste sur leurs auditoires ?
Pour répondre à cette question, le journaliste de guerre spécialiste en radicalisation Robert Evans a étudié des messages divulgués par une fuite sur des serveurs Discord privés ouvertement fascistes. Il a étudié ce qui a mené les membres de ces groupes à se radicaliser.
Des 75 membres étudiés, 15 créditent YouTube comme étant le facteur qui leur a fait débuter leur conversion et trois créditent directement Carl Benjamin. (Evans, 2018). La bonne question ne semble pas être si, mais plutôt comment YouTube peut mener à la radicalisation.
Plusieurs journalistes ont enquêté sur comment la plateforme de YouTube peut mener à l’extrémisme politique. Jonas Kaiser et Adrian Rauchfleish ont publié sur Medium.com un article étudiant l’algorithme de recommandations de vidéos sur YouTube :
« We are able to identify several distinct communities with a community detection algorithm, but we see more of the same: YouTube lumps Fox News and GOP accounts into the same community as conspiracy theory channels like Alex Jones. » (Kaiser & Rauchfleish, 2018).
L’algorithme de recommandation de YouTube considère toutes les vidéos conservatrices comme étant de même catégorie : quelqu’un qui consulte du contenu de FOX News est à seulement : « un ou deux clics des chaînes de droite extrémiste, de théories du complot et de contenu radical. » (Kaiser & Rauchfleish, 2018).
La sociologue turque Zeynep Tufekci souligne que l’algorithme semble avoir déterminé organiquement que le contenu violent et controversé capte l’utilisateur et le fait participer davantage. (P. Lewis, 2018).
Ce rapprochement n’est pas qu’algorithmique : les influenceurs approchables et modérés exposent leurs auditoires à du contenu radicalisant en réseautant avec des radicaux. La vidéo « The Truth about Lakemba » mentionnée précédemment, est un exemple. Rebecca Lewis conclut d’ailleurs son rapport en disant :
« Content creators have employed the tactics used by brand influencers, along with social networking, to establish an alternative to mainstream news, convey their ideas to audiences, and monetize their content. As a result, audiences and influencers alike are accessing, producing, and supporting extremist and often harmful content. » (R. Lewis, 2018, p.43)
Autant accidentellement que volontairement, les commentateurs politiques peuvent exposer leurs auditoires à des contenus racistes, extrémistes ou conspirationnistes.
Dans son livre #Republic, Cass Sunstein montre comment les opinions extrêmes se popularisent lorsque les utilisateurs se regroupent. Elle explique ce phénomène par trois raisons :
Elle détaille ensuite l’importance de l’identité de groupe lors du processus : « Group polarization will significantly increase if people think of themselves as part of a group having a shared identity and a degree of solidarity. If they think of themselves in this way, group polarization is both more likely and more extreme. » (Sunstein, 2018, p.75)
Les influenceurs analysés encouragent leurs communautés à se rejoindre et à discuter ensemble. Carl Benjamin, par exemple, encourage ses admirateurs à se joindre à son serveur Discord. Le doctorant en philosophie Michael George Blight souligne que ces actions permettent aux auditeurs de développer un sentiment de communauté et d’appartenance. (Blight, 2016, p.5) Sunstein note aussi que le niveau de polarisation est plus élevé dans les communautés relativement anonymes, avec des identités de groupe fortes. (Sunstein, 2018, p.77-78) L’identité néo-conservatrice, discutée précédemment, correspond très bien à ces critères.
La sphère conservatrice sur YouTube est particulièrement attirante pour les jeunes hommes isolés et émotionnellement vulnérables. Ce réseau d’influenceurs semble distant, mais pourtant, la tuerie de la Mosqué de Québec de 2017 a été fort probablement causé par ce processus de radicalisation. Le perpétrateur de 29 ans, Alexandre Bissonnette, consultait fréquemment le contenu d'influenceurs de l’Alt-Right sur Twitter, selon l’enquête de la police. (Coletta, 2018) Parmi eux, on remarque, entre autres, Ben Shapiro, Tucker Carlson... et des gens que je vous ai précédemment présenté comme Paul Joseph Watson et Stefan Molyneux.
Je ne prétends pas avoir la solution, mais nous pouvons améliorer la situation en cessant de sous-estimer le potentiel d'influence de ces acteurs.
Blight, M. G. (2015). Relationships to Video Game Streamers: Examining Gratifications, Parasocial Relationships, Fandom and Community Affiliation Online. University of Wisconsin-Milwaukee, Milwaukee, Wisconsin.
Bromwich, J. E. (2018, mars 4). YouTube Cracks Down on Far-Right Videos as Conspiracy Theories Spread. The New York Times. Consulté à l’adresse https://www.nytimes.com/2018/03/03/technology/youtube-right-wing-channels.html
CEFRIO. (2018). L’usage des médias sociaux au Québec (Nᵒ 5 ; p. 18). Québec.
Coletta, A. (2018, 18 avril). Quebec City mosque shooter scoured Twitter for Trump, right-wing figures before attack. Washington Post. https://www.washingtonpost.com/news/worldviews/wp/2018/04/18/quebec-city-mosque-shooter-scoured-twitter-for-trump-right-wing-figures-before-attack/
Griffin, J. L. (2017). Motley Fringe: The Moral and Political Psychology of the Alt-Right’s Radicalization Pipeline. Washington State University, Pullman, Washington.
Kaiser, J., & Rauchfleish, A. (2018, avril 11). Unite the Right? How YouTube’s Recommendation Algorithm Connects The U.S. Far-Right. Consulté 28 janvier 2019, à l’adresse Medium website : https://medium.com/@MediaManipulation/unite-the-right-how-youtubes-recommendation-algorithm-connects-the-u-s-far-right-9f1387ccfabd
Kentish, B. (2019, avril 18). Carl Benjamin: Ukip MEP candidate who made rape comment about Labour MP calls her “giant b****” | The Independent. Consulté 19 avril 2019, à l’adresse The Independant website : https://www.independent.co.uk/news/uk/politics/carl-benjamin-ukip-jess-phillips-rape-sargon-akkad-eu-election-parliament-a8876361.html
Lewis, P. (2018, février 2). « Fiction is outperforming reality » : how YouTube’s algorithm distorts truth. The Guardian. Consulté à l’adresse https://www.theguardian.com/technology/2018/feb/02/how-youtubes-algorithm-distorts-truth
Lewis, R. (2018). Alternative Influence: Broadcasting the Reactionary Right on Youtube (p. 61). Data & Society.
Main, T. (2018). The Emergence of the Alt-Right. Dans The Rise of the Alt-Right (p. 3‑10). Washington, D.C.: Brookings Institution Press.
Poland, B. (2016). Misogynist Movements: Men’s Rights Activists and Gamergate. Dans Haters (p. 123‑157). Nebraska: University of Nebraska Press.
Evans, R. (2018, octobre 11). From Memes to Infowars: How 75 Fascist Activists Were “Red-Pilled”. Consulté 28 janvier 2019, à l’adresse bellingcat website : https://www.bellingcat.com/news/americas/2018/10/11/memes-infowars-75-fascist-activists-red-pilled/
Sunstein, C. R. (2018). Polarization. Dans Divided Democracy in the Age of Social Media. #Republic (NED-New edition, p. 59‑97). Consulté à l’adresse https://www.jstor.org/stable/j.ctv8xnhtd.6
Tripodi, F. (2018). Searching for Alternative Facts (p. 64). Data & Society.
Who is Tommy Robinson? The former EDL leader and right-wing figurehead - The Scotsman. (2018, novembre 15). Consulté 19 avril 2019, à l’adresse https://web.archive.org/web/20181115143111/https://www.scotsman.com/news/uk/who-is-tommy-robinson-the-former-edl-leader-and-right-wing-figurehead-1-4830451
PragerU. (2017a). Why No One Trusts the Mainstream Media. Consulté à l’adresse https://www.youtube.com/watch?v=4pzZvMzotMc
Sargon of Akkad. (2019a). #Brexit: Kick them in the Ballot. Consulté à l’adresse https://www.youtube.com/watch?v=WSd02wC2BZA
Sargon of Akkad. (2019b). The Jordan Peele Fanclub. Consulté à l’adresse https://www.youtube.com/watch?v=GMd-oWcQsmE
Sargon of Akkad. (2019c). This Is How They Will Erase You. Consulté à l’adresse https://www.youtube.com/watch?v=Ny9bVn6Kf6g
Southern, L. (2018a). A New Direction. Consulté à l’adresse https://www.youtube.com/watch?v=WDJFJ4gr8jY
Southern, L. (2018b). My New Documentary. Consulté à l’adresse https://www.youtube.com/watch?v=PxfUW6tqrhc
Southern, L. (2018c). The Truth About Lakemba. Consulté à l’adresse https://www.youtube.com/watch?v=x9MgCE933w8
Watson, P. J. (2017). Conservatism is the NEW Counter-Culture. Consulté à l’adresse https://www.youtube.com/watch?v=avb8cwOgVQ8
Watson, P. J. (2019a). The Truth About Hipsters. Consulté à l’adresse https://www.youtube.com/watch?v=pKBRx2UYaxM
Watson, P. J. (2019b). The Truth About « Russian Collusion». Consulté à l’adresse https://www.youtube.com/watch?v=3vi04iC2fB8